Le concept de « siècle chinois » est souvent évoqué dans les débats géopolitiques actuels, tout comme celui du « siècle américain » l’a été pour le XXe siècle. Les Américains, ayant dominé la scène mondiale après la Seconde Guerre mondiale, ont imposé une vision centrée sur leur modèle économique et politique. L’expression « siècle américain », popularisée par Henry Luce dans son éditorial de 1941, appelait les États-Unis à sortir de leur isolement pour devenir une force globale, défendant la liberté et la démocratie. Luce voyait dans ce siècle une opportunité pour l’Amérique de jouer un rôle crucial sur la scène mondiale, ce qui s’est effectivement concrétisé. Cependant, la réalité de cette hégémonie a souvent été plus complexe, les interventions américaines dans des pays comme le Vietnam ou le Chili ayant davantage servi à maintenir une domination mondiale qu’à promouvoir la liberté universelle.
Aujourd’hui, le XXIe siècle semble présenter une dynamique différente avec l’émergence de la Chine en tant que puissance mondiale. Après un siècle de dominations étrangères et d’humiliation, la Chine est revenue sur la scène internationale avec des ambitions claires de renverser l’ordre mondial établi par les États-Unis. Certains évoquent ainsi la possibilité que ce siècle devienne le « siècle chinois ». Cependant, il est peu probable que cela se concrétise pour plusieurs raisons majeures, parmi lesquelles le changement climatique.
La plaine de Chine du Nord, l’une des principales zones agricoles du pays, est l’un des exemples les plus frappants de la vulnérabilité climatique à laquelle la Chine doit faire face. La région, qui produit une grande partie des ressources alimentaires du pays, pourrait devenir inhabitable d’ici la fin du siècle en raison des vagues de chaleur extrêmes et des inondations potentielles. Selon des études récentes, les vagues de chaleur humides, capables de tuer des individus en bonne santé en quelques heures, pourraient devenir fréquentes dans cette région. Ces phénomènes, causés par le changement climatique, menacent directement la stabilité alimentaire et la santé de 400 millions de personnes vivant dans cette plaine.
Bill McKibben, un environnementaliste de renom, souligne que sans une réduction massive des émissions de gaz à effet de serre, la plaine de Chine du Nord pourrait devenir inhabitable d’ici la fin du siècle. Située à seulement 50 mètres au-dessus du niveau de la mer, cette zone risque également d’être submergée par les eaux si la fonte des glaces se poursuit. En effet, des projections indiquent que les effets combinés de la montée des eaux et des températures élevées transformeront la région en un véritable enfer climatique.
Le bassin du Sichuan, l’autre grande zone agricole de la Chine, n’est pas en reste. Bien que situé plus au sud, il n’échappera pas à l’impact du réchauffement global. Les projections indiquent que la température moyenne dans cette région pourrait augmenter de 4 °C d’ici la fin du siècle. Cela entraînera une augmentation significative des vagues de chaleur extrêmes, similaires à celles observées récemment en Europe et en Amérique du Nord. Ces conditions rendent les activités agricoles de plus en plus difficiles, réduisant ainsi les capacités de production alimentaire de la Chine.
Le changement climatique, par ses effets dévastateurs, constitue une menace bien plus grave que les simples rivalités géopolitiques entre grandes puissances. La Chine, tout comme les États-Unis et de nombreux autres pays, fait face à une crise environnementale sans précédent qui remet en question la viabilité même de son territoire. Pékin, située à 39 degrés de latitude nord, est particulièrement vulnérable, et le nord de la Chine pourrait devenir inhabitable si les températures continuent à augmenter.
En outre, il est peu probable que la Chine puisse maintenir son intégrité territoriale face aux bouleversements climatiques. Si la montée des eaux et les vagues de chaleur rendent certaines zones inhabitables, cela pourrait entraîner des migrations massives, des tensions internes et une perte de contrôle sur des parties du territoire national.
Ce siècle ne sera pas chinois, tout comme il ne sera pas américain. Si l’humanité échoue à contenir le réchauffement climatique, aucun pays ne pourra prétendre à une domination mondiale durable. Le véritable défi du XXIe siècle ne réside pas dans les luttes de pouvoir entre les nations, mais dans la capacité des sociétés à surmonter les crises environnementales. Sans une action concertée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et réformer les systèmes économiques mondiaux, ce siècle ne sera celui de personne, pas même des milliardaires qui, loin de préparer une réponse collective, semblent davantage préoccupés par leur propre survie.
En conclusion, l’idée d’un « siècle chinois » est une illusion face aux défis écologiques qui bouleversent déjà notre monde. La Chine, tout comme d’autres grandes puissances, devra faire face à des crises qui remettront en question sa stabilité et son développement. Seule une prise de conscience globale et une action collective pourront offrir un avenir durable à l’humanité.